Les contes ne sont pas vraiment réputés pour être féministes. Mais on pourrait se questionner sur les nouveaux contes, est-ce qu'il y a une avancée ? Une princesse solitaire, qui ne se marie pas et qui semble représenter la femme d'aujourd'hui, forte et indépendante est-elle vraiment le symbole de l'empowerment féminin ? Voici une petite réflexion que j'ai mené.
En 2019, six ans après le premier volet, La Reine des neiges 2, véritable conte de fées qui surfe sur la vague féministe a fait son apparition sur grand écran. Pourquoi est-il important de déconstruire ce stéréotype du prince pour avancer vers une société moins axée sur le patriarcat ?
Tout d’abord, un travail de définition : qu’est-ce qu’un stéréotype ? Selon le dictionnaire, ceux-ci représentent « des clichés, images préconçues et figées, sommaires et tranchées, des choses et des êtres que se fait l’individu sous l’influence de son milieu social (famille, entourage, études, profession, fréquentations, médias de masse, etc.) et qui déterminent à un plus ou moins grand degré ses manières de penser, de sentir et d’agir».
Par exemple, l’image la plus commune que nous avons du prince charmant qui vient sauver une princesse d’une malédiction. Ainsi, la littérature jeunesse ou encore les fameux Disney contribuent pleinement à l’intériorisation de normes de genre : les filles et les garçons façonnant leur identité à partir de modèles genrés les amenant à intérioriser des limitations et des places préétablies : on donne aux petits garçons le modèle du héros fort, intelligent, courageux, et aux petites filles le modèle de l’héroïne bien plus soucieuse de ses histoires de cœur qu’autre chose.
Et si l’on s’intéresse même de plus près aux histoires contemporaines mettant en scène des héroïnes courageuses comme La Reine des neiges, on remarque qu’elles sont très souvent secondées et épaulées par un voire plusieurs personnages masculins. Dans La Reine des neiges, Anna est bien aidée par Kristof, mêmes si les hommes du film sont aux antipodes du stéréotype du prince charmant. Mis à part le prince Hans, qui souhaite se marier dans le seul but d’accéder au pouvoir. Disney fait en quelque sorte son autocritique, et dénonce le mariage arrangé de l’ancien régime. En se rendant compte du stratagème, Anna prend conscience de sa condition de femme et devient maîtresse de son propre destin par l’amour non pas d’un homme mais d’une sœur.
Malheureusement, nous retrouvons le fameux anti-prince charmant un peu maladroit avec Kristof, une solution déjà utilisée chez Raiponce pour éviter le cliché du beau gosse qui va, évidemment, tomber amoureux d’Anna. La seule nouveauté réside sur le manque de confiance du jeune homme, alors que chez Raiponce, les producteurs se moquaient de cet homme trop présomptueux.
Une émancipation timide
Quel est le message que l’on transmet, une femme ne pourrait pas être capable de s’en sortir sans l’aide d’un homme ? Ici, le côté féministe ne se trouve donc que sur Elsa, figure de la sorcière, archétype de la féministe par excellence. Victime de ses pouvoirs qui la contraignent à s’exiler de la société, longtemps stigmatisée : celle qui ne correspond pas aux normes, célibataire, désintéressée des hommes, femme de pouvoir rongée par le besoin de liberté, d’indépendance pour vivre sa vie comme elle l’entend en pleine possession de ses pouvoirs.
Certes, on est loin des débuts de Disney avec Blanche-Neige, me too est passé par là. Le conte sort du schéma classique de la femme reléguée à l’espace privé (tour, château, maison), dans l’attente d’un homme qui s’occupe des affaires publiques (roi, prince…) car Anna, malgré un désir de mariage, mène son compagnon à la baguette pour mener seule son destin hors du royaume. Pourtant l’émancipation reste timide, Anna et Elsa restent des princesses ! Très belles, minces, très maquillées en particulier dans leurs figurines stéréotypées qui envahissent les supermarchés. C’est tout le paradoxe et en même temps toute la force de l’univers Disney.
Le conte de fées traditionnel donne une certaine image du féminin et tend à présenter la princesse comme l’incarnation d’un idéal. Le physique reste l’une des qualités principales que se doit de posséder une princesse. De plus, ces qualités physiques sont associées à des qualités de cœur : la douceur et la sagesse de ces personnages leur permettent de faire le bien autour d’elles. Anna n’échappe pas à la règle et est par ailleurs une jeune fille très naïve, comme l’était Blanche-Neige même si on peut accorder au conte qu’elle ne soit pas cantonnée à la passivité. Bien qu’Elsa reste victime d’une malédiction (tirée des contes traditionnels, comme dans La Belle aux bois dormant), l’histoire se termine non pas par un mariage mais par une princesse qui devient actrice de sa vie.
La stratégie, ici, est donc de proposer une image plutôt émancipée de la femme au niveau de l’histoire pour attirer un nouveau public, sans remédier aux ventes massives de produits dérivés extrêmement genrés. Bref, un début d’émancipation certes, mais point trop n’en faut. Et ça marche ! Le premier volet a même inspiré à certains un modèle d’émancipation pour la communauté LGBT.
Nous sommes pourtant bien loin de la princesse féministe qui révolutionnerait les contes traditionnels, personnage principal féminin ne veut pas dire féministe. Mulan, sortie en 1999, était finalement bien plus émancipée que La Reine des neiges.
Elora Veyron-Churlet
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