Voici mon journal, mes pensées, mes appréhensions du tout premier confinement. La Covid ( originairement LE Covid-19 que l'Académie Française tranche) avait un air de nouveauté. Il avait déjà ébranlé nos vies que l'on pensait déjà au monde d'après, ce qu'il pourra changer comment vivrons-nous. Je m'interroge, je cherche, je fais part de mes inquiétudes, de ma lassitudes. Un an plus tard cela n'a pas vraiment changé, ce qui rend cet article étrangement actuel...
Nous sommes le jeudi 12 mars 2020. Il est 22h27. Cela fait maintenant plus de 2 heures qu’Emmanuel Macron, notre président, a prononcé son discours sur le coronavirus.
Je ne vais pas m’étaler sur ce que les médias nous répètent en boucle depuis plus de 2 mois maintenant mais voilà, le coronavirus (covid-19) est un virus semblable à la grippe qui est apparu en Chine sur le marché de Wuhan. Il aurait été transmis à l’homme par le trafic de pangolin, un animal inconnu jusqu’à lors, même si on a d’abord cru que l’animal responsable était la chauve-souris. Le virus s’est vite propagé, pas étonnant, nos échanges avec le monde sont permanents. De la Chine, il a continué vers le japon, la Corée, la Thaïlande puis a quitté l’Asie pour continuer à se développer au Moyen-Orient, en commençant par l’Iran, puis il s’est installé en Amérique et bien sûr en Europe. L’Italie est le pays le plus touché mais la France reste sur le podium et peut brandir sa deuxième place. L’épidémie est à présent une pandémie.
Durant son discours, le président a parlé de « la crise sanitaire la plus grave depuis un siècle » en référence à la grippe espagnole qui avait emporté plus de personnes que la Grande guerre.
Notre quotidien est bouleversé. On a d’abord contemplé les rues chinoises devenues fantômes où les rares courageux qui pointent leur nez dehors sont contrôlés, on s’est ensuite questionnés sur l’honnêteté du gouvernement Iranien, sur les mesures prises par l’Italie, la menace était pourtant déjà à nos portes. Elle est là maintenant, des gens meurent. En France, le virus a déjà emporté 61 victimes à l’heure où j’écris ces lignes, demain, ce nombre aura augmenté. 1,4% de mortalité seulement. Ce qui me m’effraie, c’est que le nombre de morts est un chiffre, individuellement ce sont des vies. L’être humain a toujours cette capacité de relativiser : « la menace est loin, je suis jeune et en bonne santé » « Ça n’arrive qu’aux autres ». Et pourtant personne n’est à l’abri.
Je n’en avais pas peur et pourtant, plus les jours passent, au fond de moi ce sentiment désagréable grandit. La panique générale et l’omniprésence de ce virus ne m’aide pas.
Demain j’irai au lycée pour la dernière fois, lundi, il sera fermé.
Je ne sais jusqu’à quand. Mes sentiments sont partagés. Un élan de joie aurait pu m’envahir mais non, mon cerveau bouillonne. J’ai peur, je ne sais de quoi demain sera fait. Je hais pourtant la routine qui m’enferme, me contraint et m’ennuie. Mais là, l’incertitude m’angoisse.
Seul coté positif, le virus aura fait bien plus de bien à l’environnement que toutes les actions et les COP réalisées jusqu’à lors. Normal, quand notre monde capitaliste basé sur l’échange et la consommation s’arrête du jour au lendemain.
L’impact sur notre économie, en majorité tournée vers la Chine, est plus que considérable. Dans les zones en quarantaine, autour de nous, les cafés, les faillites, les compagnies aériennes, le cours du pétrole. Peu à peu, tout s’écroule. Peut-on s’attendre à une pénurie de médicament comme s’inquiétait ma pharmacienne ? Les gens font des stocks. L’Australie est en pénurie…de papier toilette ! La panique s’installe…et en 2 mois, tous les plans économiques de nos gouvernements ont été balayés.
I Le début de la relocalisation ?
Lundi, ma professeure d’économie a pointé du doigt la chute des bourses, la baisse des taux d’intérêts directeurs ; les taux n’ont jamais été aussi bas, tous les marqueurs sont au rouge. Les médias nous parlent de « coronakrack », de crise 2 fois plus grave qu’en 2008. J’étais trop petite, je ne m’en souviens pas mais la différence serait qu’avec ce virus, malgré toutes les mesures réalisées contre la récession, rien n’est certain.
Je me questionne, j’essaye de positiver. Ce virus sera-t-il l’élément déclencheur pour repenser notre monde ultra mondialisé ? Le début de la relocalisation ? le début d’un monde plus respectueux de notre planète ? Le moyen de délaisser ce modèle pensé dans un monde ignorant ce que signifie le mot écologie ?
Mais au fond ce flou permanent m’effraye, mon monde s’écroule et je suis là, démunie et juste témoin.
On est le 14 mars, il y a un mois je fêtais mon anniversaire chez moi avec mes amis, on dansait, on riait, on mangeait des pizzas. C’était les vacances. Aujourd’hui ce sont des bien drôles de vacances.
Lorsque je me suis réveillée vendredi, j’ai cru à un rêve. Ne plus avoir cours. Je ne me suis pas rendu compte, c’était ma dernière journée ! Pourtant tout était normal mise à part quelques détails, quelques blagues sur la manière de se saluer, des questions sur le déroulement de la quarantaine, la visite du préfet (responsable de niveau dans notre lycée). Le plus étrange était de dire au revoir. Aucune date de retour n’est fixée, on vit cette crise au jour le jour.
Après notre dernier cours, je suis descendue par la cage d’escalier vide. J’ai croisé quelques amies. L’atmosphère était si étrange, je ressentais presque de la nostalgie. Puis je suis partie. En me retournant je me suis demandé quand j’allais y retourner.
Dire au revoir était vraiment le pire. Regarder les gens que l’on aime et voir dans leur yeux cette incertitude, cette tristesse. Seule, j’ai continué ma vie comme si de rien n’était. Je suis allée chercher une amie devant son lycée. On est allées prendre un gouter. Dans les rues, les gens s’embrassaient comme si de rien n’était.
Une vague d’étudiants retournait chez leurs parents. Les rues étaient encore remplies mais je me sentais vide. J’ai décidé d’aller acheter des livres pour prévoir les prochains jours qui s’annonçaient difficile. Les livres scolaires manquaient déjà sur les étagères.
Et pourtant, samedi était un jour comme les autres mis à part l’annulation de mes cours de dessins. Je suis même allée prendre un café, j’étais loin d’imaginer que ce serait le dernier. Dehors tout était normal.
Pour s’apercevoir de l’importance de l’épidémie sur le comportement des gens, il fallait se rendre au supermarché. Les gens se ruaient sur les produits secs, pates riz, conserves, farines, partout des pénuries. Je n’ai jamais vu autant de gens et pourtant tout le monde s’évitait. Malgré les recommandations de confinement pour les personnes de plus de 70 ans c’est eux qui étaient le plus présent dans les rues.
Seulement les cafés étaient encore remplis, trop remplis malgré les mesures d’hygiènes renforcées.
C’est pourquoi le soir même, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé la fermeture de tous les bars, les restaurants et les commerces « non utiles à la nation ». Le pays est de plus en plus cloitré et nos droits petits à petits limités.
I Tout était fermé mais nous manquions d’air.
Dimanche, le marché était encore là mais seuls les stands alimentaires étaient autorisés. Cette épidémie était partout, au centre des conversations. Tout ce bruit comme cette épidémie à chaque instant surgit et ne s’arrête pas. On doit rester calme, mais notre monde s’écroule, on doit rester calme mais notre quotidien est ravagé.
On a continué à sortir alors les restrictions se sont renforcées. Tout était fermé mais nous manquions d’air. Une fois les terrasses fermées, les Français sont allés pique-niquer. On est en guerre mais l’ennemi est invisible. Cet ennemi est connu mais instoppable, il est nulle part et partout à la fois. On ne le voit pas mais pourtant il suffit que quelqu’un tousse et on croit l’apercevoir. Il trotte dans ma tête, il envahit mes écrans et s’immisce dans mes rêves. Il a vidé les rues, et rempli les hôpitaux. Il a pris ma vie et a appuyé sur le bouton pause pour une durée indéterminée.
Ce soir, le président l’a annoncé, demain, à midi, la France sera comme l’Italie, cloitrée. Aujourd’hui, on a fait la queue avant d’accéder aux magasins, 1 mètre nous séparait, demain, on devra se munir d’un justificatif pour acheter du pain, c’est des murs qui nous séparerons.
Comment rester seuls ? Comment rester à l’intérieur ? Comment vivre l’intégralité de ses journées dans un appartement ? Comment réduire sa vie sociale à néant quand on a 17 ans !
Alors je veux faire ce que je ne peux plus faire dans ma vie bien trop remplie ; écrire, peindre, penser, imaginer ; exploiter mon côté artistique ou bien prendre soin de moi.
Je n’ai jamais assez de temps mais trop de temps tue ce temps. Comment se motiver et ne pas tourner en rond, combien de temps cette « pause » dans ma vie durera. Quelles en seront les conséquences ? J’en suis consciente, il y en aura. Mais comment les intégrer! Lorsque tout s’arrête, c’est comme si plus rien n’avait de sens, plus de conséquence. Pourquoi travailler, pourquoi apprendre ces choses, seront-elles utiles ? Que faire quand on est inutile ?
Même lorsque tout est éteint tout est coupé, je ne peux m’empêcher de penser. Comment j’en suis arrivée là, à quoi ressemblera demain ? Je ne sais pas.
Alors on réfléchit, on cherche des solutions. Peut-être que ce coronavirus permettra de créer un nouveau lendemain. Je me pose des questions mais si je me les pose les autres doivent aussi se questionner. En tant qu’enfant, en tant qu’adolescents, en tant qu’adultes, que pouvons-nous faire ?
Il est surement temps de se réformer. Comment se rendre tous utiles. Nous vivons tous un moment d’interrogation, les couples, les familles, les entreprises, la mondialisation. Cela met tout le monde au diapason. Tout comme en temps de guerre, l’après-guerre ne sera que meilleur, je l’espère. Avant, on avait plus d’argent, on restreignait, les retraites, le personnel hospitalier…On a basé notre système sur cette monnaie, ce système de fonctionnement toujours en quête de rentabilité.
Aujourd’hui, il n’y a plus d’argent, tout le monde est arrêté.
Cela remet en cause notre monde, c’est une rupture profonde, une révolution.
Peut-être que l’on pourra arrêter « de mettre la poussière sous le tapis ». Réfléchissons à cette NDIT, cette chaine de travail découpé. « C’est à ce prix que vous mangez du sucre toute l’année », disait Voltaire dans Candide en parlant de l’esclavage, aujourd’hui pourtant, c’est au même prix que l’on change de portable tous les deux ans, que l’on achète ces nouveaux vêtements toutes les semaines. Cette crise doit être, par la pénurie de nombreux produits venus de Chine, le déclenchement d’une prise de conscience collective et le début de la réflexion sur cette interdépendance, voire de l’action. Car contrairement à ce que certaines entreprises veulent nous faire croire, ces choses ont un prix bien plus important que le nombre affiché sur l’étiquette ; le prix de vies humaines.
Des crises ont existé de tout temps, le SRAS, la grippe H1N1… mais à présent, une seule chose à changer (en bien ou en mal) : les réseaux sociaux ont été créés et ont tout bouleversé. Ainsi, on crée une conscience non pas nationale ni régionale mais bien mondiale.
Notre génération et celles qui nous succéderont ont une lourde charge de travail qui les attend, mais j’en suis sûre cette crise permettra au monde d’y réfléchir. On est fascinés par l’Histoire et adorons l
Au 3ème jour de confinement. Je me suis levée en regardant l’aube de loin, on a plus le droit de sortir.
Quelques courageux s’aventurent encore dehors mais sans attestation dérogatoire, tout déplacement est proscrit.
Dehors, le climat est glacial, ce n’est plus le temps où les familles déambulaient dans les rues, le temps où les travailleurs pressés remplissaient le métro. C’est le temps où règne l’ordre, le silence. Nous sommes plus dans l’innocence de l’enfance avec le célèbre « un bonbon ou un sort », mais plongés dans l’âge adulte, soumis à une seule règle : sortez un papier, justifiez ou déboursez.
Combien de personnes n’ont jamais rêvé de chiller chez eux, sans contraintes, en gérant leur temps comme ils le souhaitent ? On a tous voulu, un moment ou un autre que le temps s’arrête. Seulement, lorsque ce n’est pas un choix mais une contrainte, tout change. Une seule règle nous dérange : ne plus voir personne. Contraint à ne communiquer que par l’intermédiaire d’un écran, notre rêve est devenu notre cauchemar, notre appartement notre prison, le temps, un ennemi à tuer.
Quelle drôle de guerre nous menons. Il y a un siècle, nos ancêtres la vivaient dans les tranchées, nous, nous la vivons retranchée dans nos appartements.
Quel drôle de paradoxe, nous qui voulions avoir du temps pour nous, voilà qu’on en a trop.
L’humain est inconstant, on dit souvent que l’on n’est jamais contents.
Plus les jours passent, plus l’air frais me manque. Je continue à aller courir une demi-heure par jour pour ne pas devenir folle. J’ai mal à la tête. On blâme ceux qui sortent et j’essaye de sortir le moins possible mais comme être enfermée aussi longtemps devant un écran sans voir la lumière du jour ? Qu’il fait beau dehors, j’aimerais être un oiseau, un écureuil, être libre de mes déplacements, sortir comme avant. Dans 1 mois je l’espère, nous serons dehors et nous pourrons de nouveau jouir de sortir à notre guise. C’est fou comme on oublie les petits moments de bonheurs lorsqu’ils sont quotidiens. Comme si le manque était essentiel pour se réjouir pleinement des choses.
Voila ! Cela fait une semaine que nous savons que toutes les écoles sont fermées. Une semaine que notre vie a vraiment basculé. Je n’arrive pas à réaliser l’ampleur de la situation. En même temps, ça rassure de partager cette crise. Que l’on soit en France, en Europe, En Amérique, en Afrique, tous les mondes peu à peu confinés vivent cette expérience. On n’a jamais été aussi loin et pourtant ce confinement nous rapproche. On fait attention aux autres. On se redécouvre en même temps que l’on redécouvre notre maison. On range, on lit, on s’appelle.
On doit rester chez nous, et même si on compte les heures, le personnel soignant ne compte pas les siennes pour sauver nos vies. Les jours passent, la routine s’installe.
Se lever, manger, travailler, manger, faire du sport, travailler, manger, regarder les infos, applaudir les aides-soignants, travailler, appeler, se laver, se coucher. Voilà mes journées.
Je pensais avoir le temps de me retrouver, de découvrir plein d’activités, je n’ai le temps que de travailler. Mes journées sont rythmées et le temps passe beaucoup plus vite qu’en temps normal comme si on les journées rétrécissaient au fur et à mesure du confinement. Ma vie routinière à repris le dessus. On vit au jour le jour, c’est comme s’il n’y avait plus de lendemain, comme si hier n’avait pas existé. Notre vie d’avant est pourtant si proche mais lorsque l’on met le nez dehors, on a l’impression que ce n’était qu’un souvenir, une illusion ou une autre dimension.
Rien n’est sûr, rien n’est officiel.
On le sait, ça ne durera pas deux semaines mais combien de temps encore seront nous seuls, impuissants. Restez chez vous, vous sauverez des vies mais est-ce une vie d’être enfermé ? D’un coup, j’ai pensé aux juifs cachés durant la 2ème guerre mondiale. Par exemple Anne Franck, si longtemps confinée sans certitude, sans lendemain, sans espoir. Notre situation face à cela est ridicule, qui ne rêverait pas d’être bien au chaud chez soi. En plus je ne risque presque rien.
Pourtant à notre échelle notre vie s’est arrêtée. Contrairement aux juifs dans la seconde guerre mondiale, nous ne connaissons pas notre ennemi, nous ne le voyons pas, et il est multiple.
Le virus a contaminé notre économie, elle est malade et on ne sait si elle guérira. Ce qui est sûr c’est qu’elle gardera des séquelles de cet épisode, mais lesquelles ?
Les ministres sont ambivalents. Il faut acheter local, mais ils ferment les marchés. Il faut rester chez nous mais on doit aider l’économie. Au moins, l’Etat incite la grande distribution à se fournir en France. Est-ce le début du changement ?
Plus rien ne se passe dans le monde, les infos ne parlent que du confinement, du Covid-19. Pourtant les guerres ne sont pas à l’arrêt, mais plus rien. Comme en guerre, les médias servent au gouvernement pour les informations et les inquiétudes face au conflit, point. Comme l’économie de guerre, les médias sont mobilisés.
La Chine sort peu à peu de son sommeil alors que le monde s’endort. Trois mois de sommeil tout de même. Connaîtrons-nous le même sort ? Ou cela sera plus court ? plus long ? Le monde en tout cas est parti en retraite, l’Inde s’est confinée, l’Angleterre et le Canada aussi, l’OMS alerte l’Afrique – 3 règles ; se laver les mains, 1 mètre de distance, restez chez vous. 2,7 milliards de personnes confinées dans le monde. La planète est rentrée en hibernation pour une durée indéterminée. Aucun réveil n’est annoncé. Et ce réveil, il sera difficile. Demain sera différent.
Chaque jour le confinement se renforce. Depuis hier, le 23 mars, nous ne pouvons plus aller au marché et nous ne pouvons plus aller courir à plus de 1km de notre domicile. Pour la première fois, j’ai donné rendez-vous à une amie pour aller courir. Pour la première fois depuis deux semaines, je voyais quelqu’un d’extérieur à ma famille, sans interface numérique. Lorsqu’on courait, en respectant ce mètre de sécurité réglementaire bien sûr, je me sentais libre. Regarder l’eau du bassin, parler et rire comme si rien ne se passait, ça me manquait. Pourtant je le savais la pression était partout, mis à part le ciel tout à changé. Une ville n’est pas faite pour être vide, les parcs ne sont pas faits pour être déserts, les grilles nous entourent, les policiers rodent aux alentours. Je suis en règle et pourtant l’idée de me faire contrôler me terrifie.
Je ne me suis pas encore fait contrôler. Délit de faciès, vous connaissez ? Une personne noire, en jogging, sera contrôlée, pas moi et pourtant ils m’observent.
Les rues sont vides mais les sans-abris ne peuvent se réfugier. On dirait les derniers survivants, voir des zombies te traquant avant d’entrer dans la boulangerie. La boulangère s’est assurée qu’il ne m’embêtait pas et on m’a dit « ne sortez pas mademoiselle, envoyez votre frère ou votre père, ils sont déchaînés ces temps-ci ». Même en temps de confinement ma position de femme me rattrape. Est-ce à nous de faire attention ? Mais pourquoi ce ne serait pas à eux d’adopter une attitude plus respectueuse envers les femmes ? Je suis un humain, comme eux, non une chose à contempler ou à abuser comme ils essayent de me faire croire.
Bon, deuxième week-end totalement confiné. Je n’ai fait que travailler. Le temps est toujours arrêté mais le rythme scolaire s’intensifie. On commence les visioconférences, ces classes virtuelles permettent de se motiver un peu plus. On rigole un peu avec quelques camarades qui font des blagues. Mais le lycée me manque. Certains disent que le confinement ne terminera pas avant juin. Cela veut dire que mon année de première est surement terminée… J’ai peur. Et surtout, pour le Bac, rien n’est sur… Les médias parlent d’un bac comme en 68, c’est-à-dire que l’on ne passerait que les oraux. J’attends ce moment depuis si longtemps, cela fait bizarre de voir mon idée que je me faisais de ce moment enfant démolie en un instant. Le reste sera comptabilisé sur notre année… Pour ma part le contrôle continu n’est pas un problème mais je pense à tous ceux qui n’on pas eu le temps de se reprendre en main.
Cette pause passe vite et pourtant le temps est en suspens. C’est comme si ce temps était une bulle que l’on agrandit indéfiniment sans réussir à la percer. Et dans cette bulle, on tourne en rond.
Les journées passent et l’on est toujours là dans cette bulle en attendant que l’extérieur soit de nouveau apte à nous accueillir. C’est long, je pensais avoir du temps et finalement dans cette bulle je ne fais que tourner, courir désespérément après ces heures, ces minutes et ses secondes qui s’envolent sans je n’ai pu les apercevoir.
I On est prisonnier du temps.
Mes nerfs sont à vifs, je réponds mal, j’ai envie de crier, d’hurler, c’est plus fort que moi.
Je me suis mise au yoga j’essaye d’apprendre à respirer, inspire, expire, pense au moment présent.
Mais comment faire pour ne pas penser à l’avenir alors qu’à mon âge on est censé avoir tout l’avenir devant soi ? Comment faire pour ne pas penser à un avenir meilleur quand le pire s’annonce, quand le bonheur de demain n’existe pas ?
J’écoutais une émission qui parlait de la réduction de la pollution grâce au confinement, ce qui est en soit logique puisque notre monde est actuellement au ralenti, voire à l’arrêt. Seulement les experts ne se réjouissaient pas comme nous pourrions le penser mais bien au contraire ils s’inquiétaient. Cela peut paraitre étrange et très pessimiste au premier abord mais en réalité, cela est réaliste. C’est pourtant logique, l’économie est en suspend mais seulement pour un temps.
Pour comprendre, imaginons que vous aillez beaucoup de travail à faire et que vous avez une semaine. Si vous travaillez régulièrement et donc que vous étalez votre charge de travail sur la durée, vous consommez de l’énergie mais de manière modérée et dans le temps, ainsi vous n’avez pas l’impression d’être surchargé, ni fatigué et vous avez le temps d’améliorer votre productivité. Or, si vous avez passé la semaine à faire des siestes, regarder la télé, bref à procrastiner, vous allez vous retrouver le dernier jour surchargé, et pour rattraper votre retard vous n’aurez pas le choix que d’intensifier votre travail quelques soient les sacrifices à faire.
Pour l’économie c’est la même chose, en ce moment, elle est en pause, elle fait une sieste. Mais à son réveil, elle n’aura pas le choix de rattraper son retard pour éviter ou du moins limiter la catastrophe économique.
Alléger les règles
Et donc le gouvernement qui est garant de cette économie aura l’obligation de lever d’alléger les règles. La preuve, la BCE a déjà autorisé les pays européens à enfreindre les règles de dette publique. Et parmi ces règles il y a bien sûr les régulations en terme d’écologie : cela se nomme le dumping écologique. Et cela a déjà commencé aux Etats-Unis, les entreprises n’ont plus à payer la taxe sur leur production de CO2.
D’un autre côté, les gens s’interrogent. Si nous regardons cette fois le penchant positif, cette crise sanitaire à entrainé chez la plupart des individus une crise existentielle. Les gens s’interrogent sur l’utilité de leur profession. Ils se rendent compte qu’un rien, en l’occurrence ici, un virus, peut perturber voire totalement effacer l’importance de leur métier. Si les personnes telles que le personnel hospitalier, les caissiers, les agents d’entretien, les agriculteurs, les pompiers et les policiers sont revalorisés, les restaurateurs, les ouvriers eux se retrouvent sans la possibilité d’exercer leur métier.
Les gens se reconcentrent sur eux-mêmes et tentent de trouver un « but » à leur vie. Ce qui est parfaitement légitime. Qui ne s’est jamais interrogé sur pourquoi il était là, pourquoi il faisait ça et si cela avait un sens. Lorsque l’on aide quelqu’un par exemple, en plus de faire du bien autour de nous, on se fait du bien avant tout à nous. Donc grâce à ces questions que les gens se posent et également à la solidarité qui se crée. Car oui même si on n’a jamais été si loin des uns des autres on ne s’est jamais autant soucié des gens que l’on aime. On se rend compte qu’ils nous sont chers et qu’ils nous manquent.
On réapprend les choses simples.
Les gens retrouvent leurs « valeurs », ce qui les anime et qui font d’eux des personnes. Pardonnez-moi l’expression mais « l’économie se casse la gueule », et quand l’argent n’est plus un frein ni une peur puisque de toute manière plus rien n’est sûr, les gens risquent et se reconcentrent sur ce qu’ils veulent faire. L’incertitude a laissé place à la peur dans la plupart des esprits qui ont donc commencé une réflexion sur qui ils sont vraiment. Chose que l’on n’a pas le temps de faire dans notre frénésie quotidienne. On réapprend les choses simples.
Et donc si l’on observe que l’économie est si volatile, que tout se que l’on a construit est si bancal, peut être que l’on cherchera à préserver et à réparer ce qui tient encore debout; la planète terre.
C’est pour cela que cette période peut être une aubaine pour le climat mais aussi pour reconsidérer notre manière de consommer et notre rapport aux autres. L’exemple est simple à trouver, il nous suffit d’allumer nos télés pour observer tous les services, toutes les initiatives citoyennes et les circuits court qui se développent. En espérant seulement que cela dure, l’avenir nous le dira.
Elora Veyron-Churlet
A retrouver sur le blog du Labo Médias :
https://scenenews.news.blog/2020/04/06/journal-de-confinement-elora/
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