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Photo du rédacteurElora Veyron-Churlet

L’Inde, La plus grande démocratie du monde ?

Dossier documentaire



Introduction


L’Inde, officiellement nommé la République de l’Inde est un pays de l’Asie du Sud occupant une majeure partie du sous-continent indien composé de pays sud-asiatiques comme le Pakistan ou le Bangladesh. L’Inde est le septième plus grand pays au monde avec un littoral s’étendant sur plus de 7000 kilomètres. Le pays est également un des foyers de civilisation les plus anciens. Il est aujourd’hui le deuxième pays le plus peuplée au monde selon l’ONU.

Actuellement en Démocratie depuis 1950, l’Inde fut le 1er pays anciennement colonisé à connaitre ce régime. Pour rappel, une démocratie est un régime politique où le pouvoir appartient au peuple. Certains critères comme le pluralisme politique ou le respect des libertés fondamentales sont indispensables pour caractériser un pays de démocratique.

Lors des élections de 2019 comptant 7 phases de vote au suffrage universel, l’Inde bat le record du plus grand nombre d’électeurs avec près de 9OO millions de personnes aux urnes.

Mais ce nombre historique fait-il de l’inde la plus grande démocratie au monde ?

Nous commencerons par retracer l’histoire de la démocratie indienne puis nous verrons le fonctionnement du système démocratique de ce pays et nous finiront par montrer que cette démocratie connait des limites.


I) L’Inde, histoire d’un jeune pays démocratique


a) La mise en place de la plus grande démocratie au monde (1950)


L’année 1947 marque l’indépendance de l’Inde et le début de l’Assemblée qui promulgue 2 ans plus tard, le 26 janvier 1950 la constitution indienne qui garantit au pays une démocratie représentative. Ce régime adopté par des députés lors de débats vifs fait de l’Inde la première ancienne colonie connaissant une démocratie pleine et durable.

L’année suivante, le pays connait sa 1ère élection au suffrage universel. Une tâche complexe alors que seulement 11% de la population est lettrée selon le Monde. Une sorte d’exode électoral s’en suit. C’est à partir de ce jour que l’Inde par sa grandeur géographique et son nombre d’électeur unique ( 900 millions en 2019) que l’inde devient la plus grande démocratie au monde.

Le taux d’alphabétisation reste bas mais le vote est élevé, alors que dans nos démocraties occidentales qui connaissent le problème de l’abstention, l’alphabétisation est élévé. Selon le spécialiste de l’Asie du sud Christophe Jaffrelot ce taux de vote élevé s’explique par la facilité de se rendre aux urnes mais surtout que les élections sont la « clé » pour les indiens de choisir entre l’héritage du multiculturalisme créée par Gandhi et Nehru ou un nationalisme ethnique*.


b) Un pays multiculturel réunit par une constitution.


En effet, l’Inde est un pays multiculturel regroupant 29 Etats et 7 territoires délimités par des pratiques culturelles et linguistiques. La langue officielle est l’hindi parlé principalement dans le nord de l’Inde mais la constitution de 1950 en inscrit 21 au total. Parmi elles, nous retrouvons le bengali, le tamoul ou encore l’anglais servant à l’administration du pays. Outre la diversité des langues, on remarque une pluralité de pratiques religieuses. Si l’hindouisme reste la religion majoritaire, des minorités religieuses existent comme l’islam, le bouddhisme, le christianisme ou encore le sikhisme, jainisme ou encore le zoroastrianisme. Les religions polythéistes cohabitent avec les religions monothéistes, cette diversité fait la richesse du pays. On parle alors de l’Inde comme mosaïque culturelle, linguistique et religieuse.

Cette cohabitation, nous explique Christophe Jaffrelot, est l’identité profonde de l’inde de 1947 créée par Gandhi et Nehru. En effet, l’inde ne reconnait pas de religion Etat. Cette sorte de laïcité est héritée de la génération de Nehru défendant l’Inde comme un pays laïc. Cette tolérance religieuse est inscrite dans la constitution depuis 1976, sous le nom de « sécularisme ».

Cet article, permet une équidistance de l’Etat avec toutes les communautés religieuses. Chaque culte à une importance égale à l’hindouisme aux yeux de l’Etat. Toute discrimination à l’égard d’une religion est en principe condamné. Ce modèle spécifique de laïcité garantit une cohabitation pacifiste est un traitement égal des citoyens en société civile. L’Etat accorde néanmoins certaines spécificités dans les lois civiles pour le mariage ou le divorce par exemple.


c) Le sécularisme : un modèle spécifique de laïcité.



Ainsi l’hindouisme n’impose aucune valeur commune et la tolérance religieuse permet un respect des pratiques de chacun.

Ce document résume le principe du sécularisme Indien ;

L’Etat garantit une liberté de culte, reconnait les différentes pratiques religieuses.

Mais contrairement au principe de laïcité, celui-ci admet une différence adminis-

trative inscrite dans le code civil et les religions sont financées par l’Etat.









II) Le système démocratique en Inde


a) Les institutions indiennes



L’Inde étant une fédération, elle regroupe 29 Etats auxquels viennent s’ajouter 7 territoires administrés directement par New Delhi, la capitale. Ainsi, les électeurs élisent leurs représentants à l’échelon régional, national et fédéral au scrutin universel.






a) Les élections en Inde : une organisation particulière.


Les élections en Inde rassemble 900 millions électeurs. Ce nombre démesuré étendu sur territoire immense s’accompagne du plus haut taux d’illettrisme au monde avec 33,8%, comme nous le voyons sur le graphique. Cela nécessite une organisation électorale particulière.

Tout d’abord, ces élections ne peuvent pas se dérouler en 2 ou 3 jours comme le font la plupart de nos démocraties occidentales mais celles-ci s’effectuent en 39 jours divisées en 7 phases. De plus, cette consultation générale d’exception oblige une commission électorale à surveiller le bon fonctionnement de la procédure pour éviter la corruption et la fraude. Ingrid Therwath, journaliste du « le courrier international » explique qu’un système de vote électronique a été mis en place. De plus, une marque d’encre indélébile sur les doigts des votants permet d’éviter les votes multiples. Hillary Clinton a, par ailleurs, qualifié ce modèle démocratique d’’un modèle en or ‘ lors de sa visite en 2011. Ainsi, pendant presque 6 semaines, les habitants se rendent aux urnes ou votent à l’aide de machines électroniques. Pour pallier l’analphabétisation, le choix de vote se fait par l’utilisation de symboles :

chaque parti possède un symbole. « Le parti au pouvoir est représenté par un lotus et son principal opposant par une main verte » nous explique Ingrid Therwath.

Les institutions en Inde sont différentes de nos démocraties occidentales. En effet, le Président élu par les 3 chambres (Lok Sabha, Rajya Sabha et Vidhan Sabha) a un rôle seulement cérémonial mais choisit son premier ministre comme nous le voyons sur le schéma ci-dessous. Celui-ci concentre tous les pouvoirs. Les 790 députés choisis par la nation constituent avec ce premier ministre l’Etat central. Ceux-ci sont divisés en deux assemblées : l’assemblée du peuple (Lok Sabha) élue pour 5 ans et une assemblée des Etats

(Rajya Sabha) élue pour 6 ans. Elle est indissoluble et renouvelable par tiers tous les 2 ans. Enfin, le pouvoir législatif est détenu par l’Etat fédéré. Il est également divisé en deux comme nous l’explique le document ci-dessous : il y a l’assemblée législative (Vidhan Sabha) et le conseil législatif (Vidhan Parishad). Ainsi, les institutions indiennes adoptent le système bicamérisme de westminster avec une chambre haute (Rajya Sahba) et une chambre basse ( lok Sabha). Cette dernière est élue au suffrage universel par tous les citoyens résidant en Inde, de plus de 18 ans depuis l’abaissement de la majorité en 1989 selon Les débuts du Suffrage universel dans l'Inde d’Alfred Martineau.



C) Un Etat dirigé par un premier ministre : Narendra Modi



L’Inde connait à ce jour 1687 partis politiques différents. Nationaux comme régionaux, ils offrent un éventail bien plus large aux électeurs que nos démocraties occidentales. Malgré tout, lorsque l’on regarde la carte ci-contre, on distingue deux partis largement majoritaires dans la totalité du territoire : Il s’agit du parti du Congrès (INC) et du Bahratiya Janata Party (BJP). Ainsi s’oppose deux idéologies diamétralement opposées. Le INC, incarne l’Inde progressiste. Le 1er ministre indien Nehru en faisait partie. Ce sont eux qui ont mis en place l’Inde telle que l’on la connait aujourd’hui, avec par exemple, le sécularisme ou la mise en place de la discrimination positive. Le BJP au pouvoir depuis 2014, incarne quant à lui le nationalisme indien. Narendra Modi, le 1er ministre actuel, défend l’idéal d’une Inde exclusivement Hindou.

Il fait d’abord carrière dans une milice nationaliste Hindou avant de s’imposer comme la principale figure du BJP. Il remporte alors les élections de 2014 en promettant à la population, des mesures économiques libérales. Ainsi, l’Inde qui par sa constitution est un pays démocratique et laïc, devient une Inde , non laïc mais hindou selon son programme. Ce mouvement fondamentaliste Hindou cherche à imposer l’hindouisme comme culte national, mettant fin aux minorités religieuses et à l’athéisme. Ainsi, Narendra Modi a relégué ces minorités en citoyen de second rang.

En 2019, il est réélu. Ce retour de Modi est difficile à comprendre alors que l’économie va mal et que de telles inégalités entre les individus existent. Dans L’inde en chemin vers la démocratie ethnique, Christophe Jaffrelot explique cette majorité absolue par une toute nouvelle stratégie de campagne : Modi s’impose non pas comme dirigeant mais comme protecteur de la nation menacée par le Pakistan et les attentats que connait la région du cachemire. Ainsi, il utilise l’armée et créé un culte de la personnalité autour d’un film, d’une série le présentant comme un héros guerrier à la conduite remarquable. A cela s’ajoute l’excellente maitrise des moyens de communications comme l’utilisation de twitter et la création d’une adresse mail unique ciblant le au peuple qui peut recevoir une réponse immédiate sans passer par les interfaces traditionnelles que sont les médias ou la radio. Ainsi, il est adulé surtout du petit peuple, mais « les intellectuels restent méfiants » explique la Journaliste indienne Hindustan Times.


III) Les limites de la démocratie indienne


a) Une société segmentée par les castes


L’inde est une société hiérarchisée divisée en 4 ordres. Dans la vidéo d’ARTE le dessous des cartes « l’inde est -elle la plus grande démocratie ? » Ingrid Therwath explique que dès leur naissance, les individus sont regroupés dans des castes associées à des partie du corps : la tête pour les « classes hautes » constituées des prêtres ou des enseignants, les bras pour les soldats, le ventre pour les commerçants ainsi que les jambes pour les classes basses » comprenant les paysans et les travailleurs. Enfin, elle mentionne une dernière catégorie exclue du reste composé d’individus nommés les Dalit ou les intouchables considérés comme hors caste ou hors humanité.

Dans une vidéo de TV5 monde, la journaliste indienne Hindustan Times, parle d’une démocratie indienne toujours incomplète semée de corruption. En effet, les normes sociales attendues dans une démocratie ne sont pas toujours respectées comme par exemple le respect des minorités. On remarque l’absence de sécurité sociale pour tous et une économie bancale due au système de castes. La démocratie reste néanmoins vive et les individus sont libres de parole en tout cas dans la rue. De plus, chaque personne quelque soit sa caste a le droit de vote.

Depuis plusieurs années, on remarque une mobilité sociale grâce à la discrimination positive car les « bras man » peuvent à présent être commerçants et les intouchables peuvent devenir ingénieurs ou enseignants. Cependant, depuis l’arrivée de Modi au pouvoir, une nouvelle forme de discrimination se met en place sur les minorités religieuses. Ce paradoxe est révélateur d’un système démocratique limité.


b) Un nationalisme grandissant remettant en cause le sécularisme indien.



Cette idéologie nommée, nationalisme ethnique nous est expliquée dans le livre : L’inde en chemin vers la démocratie ethnique de Christophe Jaffrelot.

Dans cet ouvrage, l’auteur défend la thèse que cette « Inde de Modi » est un nationalisme populiste qui mène la démocratie indienne dans un nouvel âge : le nationalisme ethnique. Selon le BJP, parti nationaliste hindou au pouvoir, l’hindouisme doit devenir la seule religion en Inde. Pour le BJP, la définition d’un peuple est son identité unique sur un territoire basé sur les pratiques de ses ancêtres. Il cherche à créer une « race pure » descendante légitime des hautes castes et à imposer l’hindouïté à tous. Cela s’accompagne d’une culture culinaire et musicale exclusivement hindou et le rejet des autres influences notamment musulmanes. Cette extrémisation des esprits est un réel danger allant à l’encontre de la constitution indienne et son sécularisme.

Dans la vidéo du dessous des cartes, la journaliste nous explique que ce nationalisme ethnique est appelé comme tel car cette discrimination se base sur un rejet des pratiques culturelles avant même le rejet de la religion.

La réélection de Modi marque une fin ou mise entre parenthèse de la génération de Nehru défendant l’Inde « laic secularism » avec une équidistance Etat avec toutes les communautés religieuses. Le temps où chaque culture avait une importance égale à l’hindouisme est de plus en plus contesté. La progression du BJP s’explique par une peur des musulmans migrants appelés « parasites » ou « ennemis de l’intérieur » par le parti. Ces minorités ont donc le même droit sur le papier mais en réalité, elles sont considérées comme des citoyens de seconde zone.

Les musulmans indiens connaissent des violences depuis 2014 et on compte aujourd’hui 15% de citoyens relégués en « citoyen de seconde » zone selon ARTE. La démocratie est dite en danger lorsqu’une partie de la population à peur du résultat d’une élection, une partie de la constitution est remise en cause et que l’égalité des citoyens n’est plus garantie.


c) Des libertés contestées et limitées


La liberté d’expression est également remise en cause en Inde. Il devient difficile voire dangereux de critiquer le pouvoir indien. Selon un classement de reporter sans frontière l’Inde se place 140ème sur 180 pays. L’ONG dénonce les actes de répressions et d’intimidation contre les médias.

En effet, 6 journalistes sont morts en 2018 en raison de leur profession.

Hindustan Times raconte qu’en septembre 2017, Gauri lankesh est assassinée alors qu’elle enquêtait sur les nationalistes hindous. Les médias connaissent également des intimidations physiques, judiciaires et financières : l’Etat ne subventionne pas les médias contre le pouvoir mis en place et arrête ou harcèle des journalistes qui se sont exprimés sur les réseaux.

Modi se veut populiste en adressant la parole directement au peuple et en faisant l’impasse de l’interface habituelle de la presse ou des médias explique la vidéo du monde : L’Inde est-elle la plus grande démocratie du monde ?

La journaliste du courrier international explique que c’est par la propagande et un culte de la personnalité que Narendra Modi s’est imposé comme unique figure du parti à l’intérieur du pays comme à l’étranger. En effet, il a imposé sa gloire notamment grâce à une série romancée sur sa vie sur une plateforme de streaming locale.

Son second mandat est marqué par un bilan économique catastrophique. On remarque une décroissance sur les 10 dernières années accompagnée d’un bilan humain dramatique (suicide d’agriculteurs et hausse du chômage) mais également une réussite sur le bilan idéologique : les manuels scolaires vont être changés et l’hindouisation de la population fonctionne.

La démocratie est limitée cette fois-ci par un problème de liberté de presse, un gouvernement centralisé et une personnalisation du pouvoir par le premier ministre Narendra Modi.






CONCLUSION


L’inde a longtemps été considérée comme la plus grande démocratie du monde par sa taille, son nombre impressionnant d’électeurs et de partis politiques, son suffrage universel ainsi que son respect des libertés fondamentales avec la prise en compte des minorités par la discrimination positive et son sécularisme garantissant une liberté de culte et de traitement.

Seulement, depuis l’arrivée de Narendra Modi au pouvoir et la mise en place d’un nationalisme ethnique, l’Inde tend vers une démocratie illibérale et une extrémisation de pensée.

La propagande accompagnée de persécutions des minorités et d’entraves à la liberté d’expression remettent en cause non seulement les fondements de l’Inde mis en place par Nehru mais également la constitution indienne de 1950. Ainsi, le statut de l’Inde comme la plus grande démocratie du monde est mis entre parenthèse.








BIBLIOGRAPHIE

· Les débuts du Suffrage universel dans l'Inde [article], Alfred Martineau

Outre-Mers,. Revue d’histoire, année 1938


· L’inde de Modi : national-populisme et démocratie ethnique, 2019,Christophe Jaffrelot.


· ARTE le dessous des cartes : l’inde est -elle la plus grande démocratie ?


· L’Inde. Puissance en construction, La documentation photographique n°8109,2016. Lucie Dejouhanet.


· Vidéo TV5MONDE info, toujours la plus grande démocratie au monde.


· HGGSP 1ère édition Nathan,2019, S.Cote, E. Godeau, E.Janin, G. Le Quintrec.


· Sénat.fr


· France.culture.fr




Elora Veyron-Churlet


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